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L’orïn ferma les yeux, se concentrant sur le passé de cet endroit.
- Révèle-moi tes secrets, fit-il.La nuit était tombée depuis plus d’une heure sur le duché de Landhelven, recouvrant le ciel et la terre de son voile lugubre. Les champs, les forêts et les villages magnifiques quelques instants plus tôt étaient soudainement devenues sombres, glauques et inhospitalières.
Un groupe de trente guerriers Nocturiens s’étaient arrêtés pour la nuit après une longue journée de marche ; ils avaient montés leur campement près de la lisère d’une grande forêt, non loin d’une grande plaine traversée par un puissant torrent qui s’entendait de leur position.
Près d’un des nombreux feux, deux soldats discutaient allègrement, rassurés et sûr. Sans doute était-ce là l’ironie du destin.
Car jamais personne n’était épargné.
-Dis Loraïs, fit un soldat allongé à son camarade qui fixait le feu hypnotiquement.
-Hu ? Eut-il comme seule réponse.
-Ben…t’en pense quoi toi de cette histoire de légion noire ?
Le dénommé Loraïs détourna les yeux du feu et secoua la tête.
-Des conneries tout ça, je te le dis. Tu crois vraiment que de pareils êtres pourraient réellement exister ? Ça se saurait crois-moi. Alors arrête avec ces foutaises.
Son compagnon, un certains Takus, baissa les yeux.
-Mais le capitaine de la première il disait…
-Il est fou ! Le coupa Loraïs. Il est revenu seul de sa mission, il a dû rêver ! Dans le pire des cas ce n’était qu’une attaque des Larmoyants, et dans la fureur du combat il a exagéré.
-Ou…peut-être cherchait-il une excuse pour ses erreurs, non ?
-Ouais, par exemple.
La lune était pleine et illuminait la pleine de sa douce lueur argentée. Elle l’illuminait trop peu pour y voire, et juste assez pour distinguer au loin des silhouettes d’arbres qui ressemblaient vaguement à des hommes.
Takus tourna son regard vers la plaine. Pas un bruit à l’horizon si ce n’était le vacarme provoqué par le torrent qui fendait la plaine comme une plaie béante dans la terre dont il serait le sang.
Il fixa les silhouettes des arbres ; avec le vent, certains semblait se mouvoir dans une danse semblable à une transe décalée aux mouvements sans liens.
Mais l’une de ces silhouettes ne bougeait pas comme les autres ; elle semblait regarder à l’autre bout de la plaine, à une lieu de sa position. De temps en temps, Takus semblait voire une tête se tourner et redevenir immobile pour se fondre dans la masse des ombres.
Il aurait pu avoir peur, mais il était plutôt fasciné ; il savait bien sûr que tout ceci n’était que le fruit de son imagination, mais il trouvait ça…exaltant autant qu’étrange.
Il sursauta lorsqu’il vit une silhouette qu’il n’avait vue auparavant au milieu de la plaine. Il plissa les yeux et ne vit plus rien.
Par contre une autre silhouette était apparue plus loin, près du torrent.
Il se frotta les yeux et bailla.
Lorsque son regard se porta de nouveau sur la plaine, il n’y avait évidemment plus rien. Maudissant sa fatigue, il se mit en devoir de se reposer. La journée qui l’attendait allait être longue.
Il ferma les yeux, lentement, tandis que sa respiration se calmait.
Un masque en argent apparu devant lui. Ni effrayant, ni grimaçant, ni souriant mais étrangement neutre. Aucun regard ne transperçait les emplacements des yeux, comme si l’intérieur était vide.
Le masque pivota lentement. Il se sentait comme attiré, il ne savait pourquoi. Le masque se tourna à nouveau vers lui et se pencha sur le côté comme s’il essayait de lire en lui.
Il sentit son torse se déchirer comme si quelqu’un essayait de le tirer de son propre corps.
Le masque alors se fissura en milliers d’éclats et se remodela en masque souriant.
Il se réveilla en sursaut et failli hurler lorsqu’il vit une forme noire devant lui. Il se tourna et saisit son glaive, prêt à frapper.
Une main se posa sur épaule, et il se senti défaillir.
-Putain Takus, t’es lourd même quand tu dors.
-Loraïs ? Tu m’as fait peur crétin ! J’ai cru que…
Il laissa sa phrase en suspens.
-Dis-moi, il était là ce buisson ? fit-il en plissant les yeux.
Loraïs se retourna négligemment.
Il eut juste le temps de voir le reflet de la lune sur une surface lisse, une surface argentée. Au milieu de l’obscure décadence de la nuit, un masque apparut, neutre et impassible ; Takus eu l’impression de le voir sourire.
Loraïs saisit son bouclier et se leva en un bond.
Il se tourna et tomba nez à nez contre un masque.
Une lame lui rentra dans le bas ventre et ressortir aussitôt. Il hoqueta et recula, la main sur sa plaie. Le sang s’écoulait entre ses doigts tremblants et tombait par goutte sur le feux qui crépitait comme s’il se réjouissait.
-On est attaqué ! hurla Takus.
Il leva son glaive en signe de défi, les jambes tremblantes.
Une lueur argentée se révéla au loin dans la forêt et disparu aussitôt.
Une dizaine d’hommes le rejoignirent ; la plupart n’avaient que leur bouclier et un glaive.
-Que se passe-t-il ici ? Hurla une voix grave et puissante.
Takus se tourna vers le capitaine qui approchait.
Un masque sortit de derrière lui.
- Non ! hurla-t-il.
Une lame argentée perfora le dos du capitaine et ressortit par son torse dans une effroyable gerbe de sang.
-Légion noire ! Hurla quelqu’un.
Takus sentit son cœur battre de plus en fort.
Il se tourna vers la plaine et frémit.
Il ne s’agissait pas d’une forêt au loin.
Il s’agissait de la légion qui attendait patiemment.
Ils avançaient désormais, lentement, leurs membres s’agitant étrangement comme si un mauvais marionnettiste les guidait.
Il revit l’image du masque d’argent qui le fixait. Il se sentit de nouveau hypnotisé.
Un rayon de lune frappa le masque, révélant une silhouette drapé dans d’épais tissus noire.
Il ne rêvait pas cette fois !
Une lame lui rentra le torse.
Il recula et s’effondra au milieu de ses camarades. Il les entendait crier, mais comme s’ils étaient à des kilomètres. Son regard se posa délicatement vers la plaine.
La légion de la mort silencieuse était là…
L’Orïn sortit de sa transe, le regard hagard.
-Voilà capitaine ce que j’ai pu lire dans les souvenirs de ce lieu. Voilà ce qui est arrivé à la XIV ème. Ils sont bels et bien là. La Légion.A suivre...